lundi 27 octobre 2025

Mathieu Bock-Côté : « Ce que Trump peut nous apprendre »

Dans son nouvel essai, « Les Deux Occidents – de la contre-révolution trumpiste à la dérive néosoviétique de l’Europe occidentale », le sociologue québécois analyse les causes profondes de l’élection de Trump et ses répercussions au sein de l’Union européenne. Le monde occidental va-t-il se fracturer en deux blocs antagonistes : l’Amérique trumpienne d’un côté et l’Europe dite “progressiste” de l’autre ? Texte d'Alexandre Devecchio paru dans le Figaro Magazine.


« Il faut avoir le courage de l’avouer, Madame : longtemps nous n’avons point compris la révolution dont nous sommes les témoins ; longtemps nous l’avons prise pour un événement. Nous étions dans l’erreur : c’est une époque. » Cette observation faite par le contre-révolutionnaire Joseph de Maistre à la marquise de Costa en 1794 pourrait avoir été écrite aujourd’hui pour décrire le phénomène Trump. En 2015, la plupart des observateurs ont interprété l’élection du 45e président américain comme un accident de l’Histoire. En 2020, sa défaite, suivie de l’attaque du Capitole, pouvait laisser penser que la parenthèse était définitivement refermée. Que l’ordre mondial, tel que nous le connaissions jusqu’alors, allait être rétabli. Mais il y a un an, le 5 novembre 2024, malgré quatre inculpations et une condamnation en justice, l’homme à la crinière orange est sorti vainqueur de l’élection présidentielle américaine pour la deuxième fois. Avec plus de voix qu’en 2016 et en l’emportant dans les sept États clés. Pour la première fois en vingt ans pour un Républicain, Trump a même remporté le vote populaire. Ainsi que les pleins pouvoirs au Congrès. À la vice-présidence était propulsé l’un des cerveaux de l’idéologie Maga en la personne de J. D. Vance, signe du contrôle désormais sans partage de Trump sur le Parti républicain. Non seulement sa victoire était incontestable, mais d’une ampleur que personne n’avait imaginée. Même les plus sceptiques devaient admettre leur erreur. Trump n’était pas un « accident », mais le début d’une nouvelle ère. Un changement d’époque, aurait écrit Joseph de Maistre. Symbole de ce basculement, la cérémonie d’investiture du 47e président des États-Unis, le 20 janvier 2025, où, pour reprendre la formule du journaliste David Thomson, une partie de ses opposants d’hier (les géants de la tech, l’Amérique corporate) « ont fait la queue pour embrasser la bague de Donald Trump et lui prêter allégeance ».

La fin de la fin de l'histoire

dimanche 26 octobre 2025

L’exode des médecins québécois formés en anglais : une gabegie dénoncée depuis 2006

Alors que le gouvernement Legault vient de faire adopter sous bâillon une loi spéciale pour encadrer les médecins, la pénurie persiste, au grand désespoir de la population. Or, ce problème n’a rien de nouveau : un article paru dès 2006 tirait déjà la sonnette d’alarme, soulignant une gabegie parfaitement évitable dans la formation et la rétention des médecins au Québec. Les chiffres précis ont sans doute évolué depuis, mais les causes structurelles, elles, demeurent tristement inchangées. Ce qui suit est un résumé de l'article de 2006.

Une pénurie chronique malgré une formation abondante

Le Québec manque toujours de médecins — environ 1000 spécialistes et autant d’omnipraticiens, selon les estimations les plus récentes. Certaines régions, comme le Saguenay, en viennent même à signer des ententes pour attirer des praticiens étrangers. Paradoxalement, la province fait partie de celles qui forment le plus de médecins par habitant au Canada. Et malgré des investissements massifs, notamment les 3,6 milliards injectés dans les mégahôpitaux du CHUM et du MUHC, le déficit médical s’aggrave.

Un exode massif, particulièrement chez les diplômés de McGill

Dès 2006, les données montraient que le Québec offrait l’un des plus faibles taux de rétention de médecins au pays. Chaque année, plus de 75 praticiens quittaient la province, principalement pour l’Ontario et les États-Unis — un exode deux fois plus important qu’en Ontario. Contrairement à ce qu’on croit souvent, la rémunération n’était pas la seule cause. L’analyse révélait que l’immense majorité des départs provenait de l’Université McGill, alors que les diplômés des universités francophones — Montréal, Laval, Sherbrooke — restaient en grande partie au Québec.

En dix ans, plus de 550 diplômés de McGill avaient quitté la province, représentant près des deux tiers de tous les départs. À la fin de leurs études, environ la moitié des jeunes médecins mcgillois partaient exercer ailleurs, tandis que ceux issus des facultés francophones demeuraient, pour la plupart, au service du réseau québécois.
Au Québec, la formation d’un médecin représente un investissement majeur pour les contribuables, financé à plus de 90 % par l’État. Selon les données récentes du ministère de la Santé et des Services sociaux, former un médecin généraliste coûte environ 435 000 $ CAD, tandis que la formation d’un spécialiste varie entre 600 000 $ et 790 000 $ CAD, selon la durée de la résidence (5 à 7 ans). Ces montants, qui incluent les études universitaires et les salaires de résidence, reflètent une hausse due à l’inflation et aux investissements accrus dans les facultés de médecine. En 2024, des mesures comme le projet de loi 83 visent à garantir un retour sur cet investissement en obligeant les nouveaux médecins à pratiquer cinq ans dans le système public, sous peine de remboursement partiel.

Une erreur de politique publique connue depuis longtemps

La conclusion du rapport de 2006 était sans équivoque : en finançant massivement une université anglophone dont la majorité des diplômés s’en vont, le gouvernement québécois subventionne la formation de médecins pour l’Ontario et les États-Unis. Chaque médecin formé coûte environ 150 000 $ (en 2006, voir encadré pour une mise à jour des coûts)aux contribuables, mais une grande partie de cet investissement profite à d’autres systèmes de santé.

Pire encore, les autorités universitaires de McGill assumaient ouvertement ce rôle d’exportation de talents, se félicitant de former des médecins francophones « destinés à faire carrière aux États-Unis ». Cette tendance s’observe d’ailleurs dans d’autres domaines, comme la physique médicale, où de faibles taux de rétention à McGill ont forcé la création de programmes francophones au CHUM et au CHUQ pour combler les besoins locaux.

Une solution qui existe depuis vingt ans

L’article de 2006 proposait déjà un correctif simple : rééquilibrer les quotas et les investissements en faveur des facultés de médecine francophones, qui forment les médecins les plus susceptibles de rester. Ramener le taux d’exode de McGill à la moyenne des autres universités suffirait presque à combler le déficit migratoire des médecins québécois.

Presque vingt ans plus tard, cette « fuite des cerveaux » demeure l’un des secrets les plus coûteux du système de santé. Le Québec, en continuant à financer sans condition une université dont la majorité des diplômés quittent le territoire, forme toujours un médecin pour le prix de deux — et n’en garde qu’un.

vendredi 24 octobre 2025

France — Le grand essor de l'enseignement supérieur privé

Le privé accueille aujourd’hui en France plus d’un étudiant sur quatre. Ses effectifs ont augmenté de plus de 67 % en dix ans, alors que la population estudiantine globale ne progressait, elle, que de 3 %. Une attractivité qui s’explique par la diversité

Sainte-Geneviève, à Versailles, offre les meilleures prépas aux grandes écoles

La ruée vers le privé touche désormais l’enseignement supérieur. Selon les derniers chiffres officiels (1), pour l’année scolaire 2024/2025, les établissements privés ont accueilli 799 700 étudiants, soit 26,5 % de l’ensemble des effectifs étudiants dans le supérieur. Depuis 2014, les inscriptions dans le privé ont augmenté de 67,1 %, contre 9 % pour le public. Pourquoi cet engouement ? Dans les domaines où privé et public sont en concurrence, l’attractivité du privé s’explique souvent par sa performance. Le cas des prépas aux grandes écoles est, à cet égard, emblématique. Dans le classement du Figaro étudiant des meilleures prépas dans les filières scientifiques, deux établissements privés, Sainte-Geneviève et Stanislas, tiennent le haut du pavé. La versaillaise « Ginette » arrive première dans quatre des six prépas qu’elle propose et deuxième dans les deux autres. Ses tarifs (de 5 886 à 19 482 euros l’année selon le niveau de ressources, internat compris, 4 % d’étudiants étant boursiers) n’ont rien à voir avec ceux pratiqués par Louis Le Grand (de 1870,55 à 2 874,96 euros pour l’internat, 10 % de boursiers). Mais si le critère financier peut constituer un barrage, il contribue, aussi, à motiver puissamment les élèves.

jeudi 23 octobre 2025

Australie — Fécondité par région ou pays d'origine

Indice synthétique de fécondité (ISF) en Australie par région/pays d'origine : effondrement pour l'Asie de l'Est et du Sud-Est (1,04 enfant/femme), un déclin très rapide pour l'Asie du Sud (1,37 enfant/femme) et la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (à 1,87 enfant/femme), et un ISF qui baisse moins vite  pour les Australiens de vieille souche (1,63 enfant/femme).

Endogamie - 2024 : 86,14 % des mères nées en Australie ont un enfant avec un père né en Australie, contre 85,65 % des pères nés en Australie dont la mère de l'enfant est née en Australie.

Pays/Région d'origine Indice synthétique de fécondité
2013 2022 2023 2024
Australie 1,91 1,69 1,69 1,63
Nouvelle-Zélande 1,92 1,93 1,83 1,69
Papouasie-Nouvelle-Guinée 2,07 1,66 1,48 1,35
Samoa 3,49 2,36 2,39 2,44
Total Europe du Nord-Ouest  1,60 1,73 1,58 1,40
Total Europe du Sud et de l'Est 1,53 1,60 1,46 1,35
Total Proche-Orient et Afrique du Nord  2,85 2,14 1,99 1,87
Iran 1,44 1,42 1,30 1,14
Irak 2,92 2,13 2,05 1,95
Israël  2,11 2,11 1,93 1,7
Turquie  2,01 1,6 1.34 1,19
Égypte  2,25 1,85 1,79 1,72
Liban  4,09 3,41 3,21 2,99
Syrie  3,56 2,13 1,95 1,82
Autre  3,53 2,38 2,23 2,19
Total Asie du Sud-Est 1,64 1,27 1,10 1,04
Total Asie du Nord-Est 1,41 1,00 0,88 0,82
Total Asie du Sud et centrale  2,14 1,60 1,44 1,37
Inde 2,09 1,54 1,39 1,36
Pakistan 3,14 2,81 2,50 2,42
Sri Lanka 1,68 1,41 1,22 1,08
Bangladesh - 1,91 1,70 1,48
Népal - 1,34 1,27 1,2
Afghanistan - 2,39 2,29 2,16
Total Amériques 1,48 1,21 1,02 0,92
Total Afrique subsaharienne 
(comprend les blancs sud-africains) 
2,09 1,88 1,78 1,71

Source : ABS

mercredi 22 octobre 2025

Tension en Israël : les juifs ultra-orthodoxes réprimés violemment

En Israël, des juifs ultraorhodoxes de la communauté haredim (les « pieux ») s’opposent à l'engagement militaire de leur pays au Proche-Orient. 

À la suite des attaques terroristes du 7 octobre, Israël a mobilisé son armée sur de nombreux fronts. Avec un besoin d’hommes important pour mener ses campagnes militaires, le pays s’est tourné vers les Haredim, une communauté d’ultra-orthodoxes juifs, exemptés jusqu’alors de service militaire.

Depuis plusieurs mois, les Haredim manifestent contre les guerres d’Israël et pour sauvegarder leur statut spécial, estimant que leur judéité doit se traduire dans leur pratique religieuse et non par des campagnes militaires.
 


Voir aussi 

Brève : mise à jour de l'indice de fécondité en Israël pour 2024 et (1T2025)

Israël a besoin de plus de troupes, mais la coalition au pouvoir ne veut pas enrôler les ultra-orthodoxes. (2024)

Les « séminaristes » Israéliens ultra-orthodoxes s'opposent au service militaire (2024)

En Israël, le taux de fécondité en 2022 était de 3 enfants par femme (1,49 au Québec; 1,80 en France; 1,39 en Suisse et 1,53 en Belgique)

Les communautés chrétiennes en Israël font face à une hostilité croissante, selon un rapport annuel

Le Noël tourmenté des chrétiens d'Orient

« Certains Israélites crachent sur les chrétiens qu’ils croisent à Jérusalem », Mgr Gollnisch de l'Œuvre d'Orient

Un journaliste israélien se fait passer pour un prêtre - et se fait cracher dessus à Jérusalem (juin 2023)

Attaque de colons sionistes contre un village chrétien palestinien (Taybeh/Tayibé) (2025)

 

 

 

 

mardi 21 octobre 2025

États-Unis : le reflux des identités trans et queer chez les jeunes Américains

Résumé
  • Après avoir connu une forte augmentation dans les années 2010 et 2020, les identités transgenres et queer sont en déclin chez les jeunes Américains.
  • La proportion d'étudiants universitaires transgenres a atteint son maximum en 2023 et a depuis presque diminué de moitié, passant de près de 7 % à moins de 4 %.
  • La proportion d'étudiants s'identifiant comme non hétérosexuels a diminué d'environ 10 points au cours de la même période.
  • Le déclin de la proportion de non-hétérosexuels se concentre dans les catégories queer ou autres catégories sexuelles (c'est-à-dire pansexuels, asexuels) et, dans une moindre mesure, dans la bisexualité.
  • Les étudiants de première année d'aujourd'hui sont moins nombreux à s'identifier comme BTQ+ que les étudiants de dernière année, ce qui suggère que cette baisse va se poursuivre
  • La baisse de l'identification BTQ+ [bisexuel, trans, queer et autres] ne semble pas être liée à une moindre utilisation des réseaux sociaux, à un renouveau religieux, à un glissement vers la droite politique ou à un soutien moindre à l'idéologie woke.
  • Il existe des preuves que l'amélioration de la santé mentale a réduit l'identification BTQ+


Après une décennie de progression continue, les identités transgenres et queer connaissent un recul notable parmi les jeunes aux États-Unis, une tendance particulièrement marquée dans les milieux universitaires et les établissements élitistes. Selon le professeur Eric Kaufmann, du Centre for Heterodox Social Science, la part des étudiants se déclarant transgenre a presque été divisée par deux depuis son pic en 2023, passant de près de 7 % à moins de 4 %. Parallèlement, le pourcentage de jeunes s’identifiant comme non hétérosexuels a chuté d’environ dix points, avec une concentration de la baisse dans les catégories queer et autres orientations sexuelles, telles que pansexuel ou asexuel, et, dans une moindre mesure, la bisexualité. Les données suggèrent que les étudiants fraîchement arrivés à l’université sont moins enclins à adopter ces identités que les classes précédentes, indiquant que la tendance pourrait se renforcer dans les années à venir.

Cette évolution ne semble pas être le résultat d’un virage politique à droite, d’un retour du religieux ou d’un rejet de la culture « woke ». Les enquêtes menées sur plusieurs cohortes étudiantes – incluant les vastes sondages FIRE auprès de 55 000 à 69 000 étudiants par an, le HERI pour une population plus représentative, ainsi que les enquêtes à l’Andover Phillips Academy et à l’Université Brown (deux établissements très progressistes) – montrent une stabilité des convictions politiques et religieuses pendant la période 2020-2025. De même, l’usage des réseaux sociaux, qui avait culminé au début des années 2020, n’a pas diminué, excluant l’hypothèse d’un désintérêt numérique comme facteur explicatif.

Le rôle de la santé mentale apparaît en revanche central. Le rapport souligne que le pic des troubles mentaux chez les jeunes, exacerbé par la pandémie, a coïncidé avec l’essor des identités trans et queer autour de 2022-2023. Depuis, l’amélioration de l’état mental des jeunes a partiellement contribué au reflux de ces identités. Les données FIRE indiquent ainsi que la part d’étudiants trans diminue plus rapidement parmi les jeunes en bonne santé mentale, tandis que les étudiants encore affectés par anxiété ou dépression montrent une baisse plus limitée, voire une légère hausse pour certains sous-groupes. Une dynamique similaire se retrouve pour les identités queer et bisexuelles : l’augmentation des jeunes en meilleure santé mentale a donc joué un rôle important dans le retour à des niveaux proches de ceux d’avant la vague d’augmentation.

L’analyse détaillée des tendances par cohortes révèle un phénomène de « vague générationnelle ». Les classes diplômantes de 2025 et 2026 affichent les plus fortes diminutions, tandis que les nouvelles cohortes arrivant à l’université, comme celle de 2028, commencent leur parcours à des niveaux de BTQ+ sensiblement plus bas que leurs aînés. Ce schéma suggère que le reflux n’est pas simplement un retour passager, mais un ajustement structurel qui pourrait s’accentuer avec le temps. Il est particulièrement prononcé dans les institutions élitistes, où le pic des identités non-binaires et queer a été le plus marqué, soulignant la dimension socioculturelle et contextuelle de ces identités.

Les tendances en matière d’orientation sexuelle suivent une logique similaire, mais avec des nuances. La proportion d’étudiants hétérosexuels avait chuté au début des années 2020 pour atteindre un minimum en 2023, avant de remonter vers les niveaux initiaux. Les catégories bisexuelles et queer ont connu un véritable « pic et reflux » : par exemple, à l’Andover Phillips Academy, la part d’étudiants queer ou autres orientations alternatives est passée de 7 % en 2020 à 17 % en 2023, avant de retomber à 12 % en 2025. La bisexualité a connu une augmentation plus modérée et plus stable. Les catégories gay et lesbienne, en revanche, restent stables dans la plupart des enquêtes, oscillant entre 3 et 5 % des étudiants. Ces chiffres montrent que l’explosion des identités alternatives était concentrée dans des orientations plus fluides ou moins traditionnelles.

Au-delà du milieu universitaire, les enquêtes nationales (CDC, CCES, GSS) montrent des tendances plus nuancées. Les données des lycéens du CDC révèlent une hausse de la non-hétérosexualité jusqu’en 2023, mais avec moins de détails sur les sous-catégories. Les enquêtes CCES et GSS suggèrent que la dynamique de reflux est moins prononcée dans des populations plus larges et moins élitistes, laissant penser que le pic des identités BTQ+ et son reflux pourraient être partiellement circonscrits aux milieux éduqués et aux contextes urbains et progressistes.

Le rapport souligne également que, malgré les fortes corrélations individuelles entre identité sexuelle, croyances politiques et santé mentale, la dynamique globale sur le temps long semble largement indépendante de ces facteurs. Les analyses statistiques montrent que l’année de sondage reste un facteur prédictif significatif pour la hausse ou la baisse de l’identité trans ou queer, même après contrôle de la santé mentale, de la politique, de la religion et du statut socio-économique. L’effet de l’amélioration de la santé mentale explique une partie du reflux, mais pas l’ensemble, ce qui suggère que d’autres forces sociales et culturelles, probablement liées aux modes et aux tendances générationnelles, entrent en jeu.

En conclusion, le reflux des identités trans et queer parmi les jeunes Américains représente un tournant culturel majeur et inattendu, déconnecté des attentes des observateurs progressistes et des médias traditionnels. Cette évolution marque une « phase post-progressiste » où l’essor rapide des identités BTQ+ au début des années 2010 et 2020 s’ajuste désormais à de nouveaux équilibres sociétaux. L’avenir dira si cette tendance se poursuivra, mais elle pourrait signaler une réorganisation durable des normes identitaires et culturelles chez les jeunes Américains, redéfinissant le paysage des questions de genre et de sexualité dans les décennies à venir.

lundi 20 octobre 2025

Éric Zemmour va sortir un nouveau livre intitulé La Messe n'est pas dite



Éric Zemmour va sortir un nouveau livre intitulé La messe n'est pas dite, sous-titré Le sursaut judéo-chrétien. Il est publié aux éditions Fayard et paraîtra le 22 octobre 2025. 

Oui, Éric Zemmour va bien sortir un nouveau livre intitulé La messe n'est pas dite, sous-titré Le sursaut judéo-chrétien, publié par les éditions Fayard et prévu pour le 22 octobre 2025. Ce court essai de 128 pages, vendu au prix de 10 euros, marque un retour à l'édition traditionnelle pour Zemmour, après avoir autopublié ses deux précédents ouvrages (La France n'a pas dit son dernier mot en 2021 et Je n'ai pas dit mon dernier mot en 2023) via sa structure Rubempré. Avant son acquisition par Bolloré à la fin 2023, Fayard avait refusé de publier La France n'a pas dit son dernier mot en 2021.

Selon la description officielle de l'éditeur, l'ouvrage propose une réflexion optimiste sur l'avenir de la France et de l'Europe, en appelant à un retour aux racines chrétiennes pour contrer le déclin perçu du continent. Il s'inscrit dans la lignée de ses succès de librairies comme Le Suicide français (2014) et Le Destin français (2018), mais avec un ton plus lumineux et porteur d'espoir, en contraste avec les diagnostics sombres de ses travaux antérieurs. 

Le livre fait partie d'une nouvelle collection chez Fayard intitulée Pensée libre, dirigée par la journaliste Sonia Mabrouk (animatrice sur Europe 1 et CNews). Cette collection vise à publier des essais percutants et "libres", avec des auteurs qui "pensent à rebours" avec exigence et sincérité. Outre Zemmour, elle inclut des ouvrages simultanés d'Éric Naulleau (Les Sermons), du rabbin Élie Lemmel (Le Pardon n'est pas un oubli) et de Gilles-William Goldnadel (Vol au-dessus d'un nid de cocus). Fayard, filiale de Hachette Livre sous le contrôle de Vincent Bolloré depuis fin 2023, accueille ainsi plusieurs figures associées à la droite ou à des idées conservatrices, comme le cardinal Robert Sarah, Éric Ciotti, Philippe de Villiers, Jordan Bardella ou Alain de Benoist. 

L'annonce officielle a été faite par Zemmour lui-même sur X le 5 septembre 2025, avec une image de la couverture et le message "Aujourd'hui en précommande. ", générant plus de 4 600 J'aime, 1 000 reposts et près de 1,1 million de vues en quelques jours.


Baisse de la fécondité en France, sabotage de la politique familiale universelle ?

Les Électrons libres ont publié un article qui dresse un constat alarmant : la France, autrefois modèle européen de natalité, voit s’effondrer son avantage démographique à cause du démantèlement progressif de sa politique familiale universelle. Ce « sabotage » met en péril non seulement les familles, mais aussi les fondements économiques et sociaux du pays.

1. Un hiver démographique mondial et français

Près des deux tiers de la population mondiale vivent désormais dans des pays où la fécondité est inférieure au seuil de renouvellement des générations.

  • En Chine, les naissances ont chuté de 40 % entre 2010 et 2024, et la population pourrait diminuer de 200 millions d’habitants d’ici 2054.

  • En Europe, la natalité s’effondre : en 2024, l’Union européenne a enregistré moins de naissances que les États-Unis, malgré 120 millions d’habitants supplémentaires.

  • En France, 663 000 bébés seulement sont nés en 2024, soit une baisse de 21,5 % depuis 2010, et un taux de fécondité de 1,62 enfant par femme, bien en dessous des 2,1 nécessaires au renouvellement.

Cette chute annonce un déséquilibre durable : moins d’actifs pour financer les retraites, une croissance ralentie par le manque de jeunes, et un affaiblissement du dynamisme innovant du pays.

2. Les nouvelles mesures de 2025 : le coup de grâce

Depuis le 1er septembre 2025, les familles françaises subissent deux réformes majeures qui aggravent leurs charges :

dimanche 19 octobre 2025

L’Union européenne veut étendre le programme Erasmus aux pays du sud de la Méditerranée

L’Union européenne envisage d’ouvrir son célèbre programme d’échanges universitaires Erasmus+ aux étudiants de ses voisins méridionaux, situés en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. C'est ce que rapporte Politico.

Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un plan plus large, le « Pacte pour la Méditerranée », destiné à renforcer la présence et l’influence de l’Europe dans la région.

 

Un pacte global : jeunesse, économie et migration

Présenté jeudi à Bruxelles, ce pacte vise à favoriser la mobilité étudiante, stimuler les échanges économiques et mieux gérer les flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée.

La Commission européenne prévoit ainsi de doubler le budget consacré à la région, pour atteindre 42 milliards d’euros sur la prochaine période de programmation.

Les pays partenaires concernés sont : l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine, la Syrie et la Tunisie.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, a détaillé les trois piliers du pacte — les peuples, l’économie et la sécurité/migration — en soulignant que la Méditerranée devait redevenir une « passerelle entre les continents, pour les personnes, les biens et les idées ».

Une « Université méditerranéenne »

Dubravka Šuica, commissaire européenne en charge du dossier, a annoncé que l’objectif était de « connecter les jeunes » en étendant Erasmus+ et Horizon Europe, tout en encourageant la création de diplômes conjoints entre universités européennes et méditerranéennes.
Elle a évoqué la mise en place d’une « Université méditerranéenne », censée favoriser l’intégration académique et scientifique entre les deux rives.
Parallèlement, l’UE compte faciliter la délivrance de visas, notamment pour les étudiants du Maroc, de la Tunisie et de l’Égypte, et renforcer les « partenariats de talents » avec ces pays.

Une approche migratoire à double tranchant

Šuica a présenté la migration comme « le plus grand défi commun » mais aussi comme une « chance partagée ». Le pacte prévoit un soutien aux efforts de lutte contre les départs illégaux et le trafic de migrants, tout en ouvrant des canaux légaux de migration de travail afin de répondre aux besoins de main-d’œuvre européens.


Analyse critique et enjeux

Cette extension du programme Erasmus+ à la rive sud de la Méditerranée présente des ambitions généreuses, mais soulève plusieurs questions stratégiques et socio-économiques :

  1. Risque de fuite des cerveaux
    L’ouverture du programme pourrait encourager les jeunes diplômés talentueux d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à s’installer durablement en Europe, aggravant la pénurie de compétences dans leurs pays d’origine.

    De nombreux étudiants, une fois formés dans des universités européennes, choisissent en effet d’y rester, attirés par de meilleures conditions de vie et des perspectives professionnelles plus stables.

  2. Redondance institutionnelle
    L’UE présente cette ouverture comme une nouveauté, alors que de nombreux accords bilatéraux ou programmes de parrainage entre universités européennes et méditerranéennes existent déjà (coopérations franco-marocaines, italo-tunisiennes, etc.).

    L’intégration dans Erasmus+ risque donc de dédoubler des dispositifs existants, plutôt que de les coordonner efficacement.

  3. Effet d’attraction migratoire
    En rendant les visas étudiants plus accessibles et en créant des « voies légales de migration », l’UE espère réduire l’immigration irrégulière. Mais l’effet inverse pourrait se produire : plus de jeunes verront dans les études en Europe une porte d’entrée vers l’installation durable, alimentant ainsi un flux migratoire indirect mais croissant.

  4. Asymétrie des bénéfices
    Alors que l’Europe y gagne une image de puissance bienveillante et des talents formés selon ses normes, les pays partenaires risquent d’en tirer peu de retombées locales si leurs diplômés émigrent ou si leurs institutions deviennent dépendantes des partenariats européens.

  5. Un instrument géopolitique
    Enfin, cette initiative vise aussi à contrer l’influence croissante de la Chine et de la Russie dans la région. L’UE cherche à se repositionner comme partenaire privilégié, en mobilisant le pouvoir d'influence universitaire.

    La référence explicite de la commissaire Kaja Kallas à la « concurrence d’autres acteurs géopolitiques » confirme cette dimension stratégique du pacte.


Le retour de la religion chez les intellectuels

Une succession d'auteurs et d'intellectuels renommés, autrefois réfractaires à la religion, se tournent vers le christianisme ou y reviennent.

Il y a une génération, les nouveaux athées faisaient fureur. Sam Harris dans La Fin de la Foi : Religion, Terreur et l’avenir de la raison (éd. Calmann-Lévy, 2005) et Christopher Hitchens dans divers essais ont établi un lien direct entre les croyances religieuses et les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Le best-seller international de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu (2006 en anglais), affirmait sans détour que la religion était responsable de la plupart, sinon de la totalité, des maux causés par l'homme dans le monde. (Le livre était basé sur son documentaire de la même année, The Root of All Evil ?) Breaking the Spell (2006) de Daniel Dennett prétendait expliquer la religion en termes de biologie évolutive. Dieu n’est pas grand (2007 en anglais) de Hitchens faisait la même affirmation, avec son sous-titre peu subtil : comment la religion empoisonne tout.

Depuis, les nouveaux athées ont pratiquement disparu. Hitchens est décédé d'un cancer de l'œsophage en 2011. Les autres intellectuels incroyants ont continué à écrire et à publier, mais leurs déclarations semblaient faire moins de bruit.

Je situe le tournant au printemps 2009, lorsque A.N. Wilson a déclaré qu'il était revenu au christianisme. Le journaliste et biographe britannique était alors depuis deux décennies une épine dans le pied du christianisme anglophone. En 1990, il avait publié une biographie de C.S. Lewis qui se moquait pratiquement de la foi de Lewis. « Against Religion » (littéralement Contre la religion) est paru l'année suivante. Parmi ses ouvrages suivants, on peut citer « Jesus: A Life » (Jésus : une vie) (1992) et « Paul: The Mind of the Apostle » (Paul : l'esprit de l'apôtre) (1997). Le ton de M. Wilson était si impérieux et son attitude envers le christianisme si arrogante qu'une blague circulait selon laquelle son prochain livre s'intitulerait Dieu : une autobiographie. Et pourtant, le voilà qui écrivait dans le magazine de gauche New Statesman, se déclarant chrétien reconverti.

La chute de l'athéisme après ce pic de popularité momentané était en quelque sorte inexorable : après l'annonce qu'il n'y a pas de Dieu, pas d'au-delà et aucune autorité au-delà du présent, que reste-t-il à dire ?

Pendant ce temps, une succession d'auteurs et d'intellectuels célèbres, autrefois indifférents à la religion, sont soit revenus au christianisme, comme Wilson, soit l'ont embrassé à nouveau. En 2016, le classiciste et historien britannique Tom Holland, qui écrivait alors un livre sur la façon dont l'Occident était devenu irrévocablement chrétien dans ses habitudes et sa vision du monde – le livre, publié en 2019, s'intitulerait  Les chrétiens: comment ils ont changé le monde (éd. Saint-Simon) –, a annoncé qu'il s'était trompé sur le christianisme. Selon lui, cette religion est la raison pour laquelle « la plupart d'entre nous qui vivons dans des sociétés post-chrétiennes continuons à considérer comme acquis qu'il est plus noble de souffrir que d'infliger des souffrances. C'est pourquoi nous partons généralement du principe que toutes les vies humaines ont la même valeur ». M. Holland a depuis déclaré qu'il assistait à des offices chrétiens.

Ayaan Hirsi Ali, après avoir rejeté l'islam de sa jeunesse et proclamé son incroyance en Dieu – elle a publié Insoumise en 2006 (2007 en français) –, a été pendant un certain temps considérée comme la nouvelle athée. Elle a annoncé sa conversion au christianisme en 2023. Peu après, son mari, l'historien britannique Niall Ferguson, a déclaré avoir fait de même.

Des phénomènes culturels similaires se sont succédé à un rythme soutenu. Jordan Peterson, psychologue et intellectuel canadien, s'exprime comme s'il était sur le point d'embrasser la foi chrétienne ; voir son dernier livre, Nous qui luttons avec Dieu : Considérations sur le divin. En 2024, M. Dawkins lui-même, sans pour autant professer de croyance religieuse, a déploré l'influence croissante de l'islam dans la vie britannique et s'est déclaré « chrétien culturel ». Paul Kingsnorth, journaliste britannique, romancier et parfois écologiste radical, s'est récemment converti au christianisme orthodoxe.

Il est difficile de savoir ce que tout cela signifie, si ce n'est que l'athéisme est trop ennuyeux pour retenir l'attention des personnes cultivées pendant plus de quelques années. Je suis conforté dans cette opinion par la publication de « Taking Religion Seriously » (littéralement Prendre la religion au sérieux) de Charles Murray. Avec ce petit ouvrage, M. Murray, chercheur à l'American Enterprise Institute, rejoint la liste des intellectuels anciennement agnostiques ou athées.

Il est l'auteur de deux des ouvrages les plus prémonitoires sur la politique et la société américaines publiés au cours des cinquante dernières années, « Losing Ground » (1984) et « Coming Apart » (2012). Le premier montrait que l'État providence américain ne contribuait guère à réduire la pauvreté, mais plutôt à la perpétuer. Le second documentait la situation paradoxale dans laquelle les pauvres américains vivent selon les valeurs contre-culturelles (hédonistes, antifamiliales) que leur enseignent les élites, tandis que ces dernières adhèrent aux conceptions traditionnelles du travail et du mariage.

M. Murray, 82 ans, est également l'auteur de La courbe de Bell : intelligence et classe dominante aux États-Unis (1994, 1996 en français), coécrit avec Richard Herrnstein, et de « Human Accomplishment » (2003). Le premier de ces ouvrages, qui décrivait et déplorait la montée d'une « élite cognitive » dans la vie américaine, a suscité une controverse massive et largement mal informée en raison d'un chapitre sur la race et le QI (écrit par Herrnstein, décédé avant la publication). Ces deux livres sont des ouvrages universitaires impressionnants qui combinent un raisonnement analytique froid et un souci ardent du développement humain.

Mais il est juste de dire que ni l'un ni l'autre ne conduirait quiconque à confondre M. Murray avec un croyant religieux. Il a tendance à accepter les prémisses de la psychologie évolutionniste autrement que ne le font généralement les personnes religieuses. Son livre « Human Diversity » (2020), bien qu'il critique à juste titre l'habitude libérale de blâmer le racisme et le sexisme pour toutes les formes d'inégalité, confère une plus grande importance aux traits génétiques qu'une personne profondément religieuse ne le ferait normalement.

Le titre plutôt aride de son dernier ouvrage m'avait laissé penser qu'il s'agirait d'une défense austère de la religion en général. Je me trompais. Ce livre est un récit très personnel et très accessible d'un changement profond dans la vision du monde de l'auteur : un changement qui s'est opéré progressivement au fil des décennies, mais qui s'est récemment transformé en une sorte de foi chrétienne hésitante et sans artifice.

Quoi qu'on puisse dire d'autre à propos de M. Murray, on ne peut l'accuser de malhonnêteté ou de lâcheté. Il a tendance à dire ce que beaucoup d'autres écrivains et universitaires savent, mais ne peuvent pas dire ou ne peuvent pas dire clairement et sans mille réserves. Il a souvent été catalogué comme idéologue dans les organes libéraux, mais c'est tout à fait faux : en lisant les ouvrages de M. Murray – cela est particulièrement vrai dans « Losing Ground » et « Coming Apart » –, on a souvent l'impression que l'auteur préférerait tirer des conclusions différentes, mais qu'il ne peut pas le faire au vu des preuves.

« Taking Religion Seriously » est, en ce sens, typique de son auteur. M. Murray ne cherchait pas à adhérer à une croyance religieuse. Son épouse, qu'il vénère manifestement, est une quaker qui ne se soucie guère des questions factuelles qui le préoccupent dans ce livre. La principale d'entre elles est la suivante : Jésus de Nazareth a-t-il vaincu la mort ou non ?

La conversion de M. Murray, si c'est bien de cela qu'il s'agit, a commencé au début des années 2000, lorsqu'il a lu quelques récits théoriques sur les origines de l'univers, parmi lesquels « Just Six Numbers » (1999) de Martin Rees. Les conditions nécessaires au soi-disant big bang étaient si improbables que, selon M. Murray, tout ce processus, quel que soit le moment où il s'est produit, ressemblait beaucoup à ce que les chrétiens appellent la création. « Je n'arrive pas à croire que je pense cela », se souvient-il avoir réfléchi, « mais c'est la seule explication plausible » — ce « ce » faisant référence à l'origine divine de toute chose.

D'autres livres ont troublé sa conscience. Un ami chrétien, à qui M. Murray avait demandé comment il était venu à la foi, a cité Les Fondements du christianisme de C.S. Lewis. L'argument de Lewis selon lequel Jésus n'aurait pas pu être un « grand maître moral » s'il n'était pas le Fils de Dieu, comme il le prétendait, a retenu l'attention de M. Murray. La réponse habituelle — que les Évangiles ne rapportent pas ce que Jésus a dit et fait, et que la croyance en sa divinité est une invention beaucoup plus tardive — a conduit M. Murray à lire toute une série d'ouvrages sur les origines des quatre Évangiles. (Dans une série de vignettes, « Taking Religion Seriously » (litt. Prendre la religion au sérieux) énumère tous les livres que l'auteur a lus au cours de son parcours de l'agnosticisme à la croyance.)

L'un de ces livres sur la formation des Évangiles est peut-être le plus important de tous : « Jésus et les témoins oculaires » (2006, non traduit en français) de Richard Bauckham, un ouvrage densément documenté et impartial qui soutient que les Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) sont plus ou moins ce qu'ils prétendent être : des récits de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, compilés à partir des témoignages de témoins oculaires. M. Murray a également lu d'éminents comptes rendus critiques des Évangiles, notamment les livres de Bart Ehrman, qui rejettent toutes les affirmations surnaturelles, et n'a pas été très impressionné.

Ces derniers ouvrages, conclut M. Murray, croulent sous le poids des questions sans réponse. Parmi ces questions : si l'idée de la divinité de Jésus est une invention tardive, comme le supposent tous les spécialistes critiques de la Bible, comment se fait-il qu'aucun livre du Nouveau Testament ne fasse allusion à l'événement le plus cataclysmique du judaïsme antique, la destruction du Second Temple en 70 après J.-C. ? Jésus prédit sa destruction dans les Évangiles, ce qui a été interprété comme une insertion ultérieure visant à le faire passer pour un prophète, mais devons-nous croire qu'aucune mention de la destruction effective du temple n'aurait alors jamais été inséré dans aucun livre du Nouveau Testament [si la rédaction de celui-ci est tardive]?

Et pourquoi les Actes des Apôtres se terminent-ils en laissant le lecteur sur sa faim quant au sort des deux personnages les plus importants, alors que nous savons qu'ils sont morts en martyrs ? « Si les gens ont continué à étoffer et à modifier les livres du Nouveau Testament comme le prétendent les révisionnistes, se demande M. Murray, pourquoi personne n'aurait-il ajouté quelques lignes à la fin des Actes pour mentionner la mort de Paul et de Pierre ? » La réponse la plus plausible, bien sûr, est que le récit de Luc a été achevé avant leur mort et que personne, au cours des décennies suivantes, n'a osé le modifier. Et le plus déroutant de tout : pourquoi les disciples de Jésus sont-ils morts en affirmant qu'il était ressuscité des morts alors qu'ils n'avaient ni espéré ni prévu une telle chose au départ, s'ils savaient que cela ne s'était jamais produit ?

Lire Charles Murray sur l'historicité des Évangiles ne figurait pas, inutile de le dire, en tête de ma liste d'attentes pour 2025. Et pourtant, c'est le cas.

En fin de compte, M. Murray aborde toute cette question moins en tant que croyant qu'en tant que spécialiste des sciences sociales, évaluant les probabilités et nuançant ses conclusions. Concernant l'étrange certitude des apôtres que Jésus était ressuscité, M. Murray écrit qu'il est seulement sûr que « quelque chose de transformateur est arrivé aux apôtres et aux autres disciples de Jésus peu après la crucifixion, et que cette chose a permis aux apôtres de convaincre très rapidement de nombreuses personnes » (c'est lui qui souligne). Il écrit qu'il a « récemment acquis la conviction que l'au-delà est une possibilité réaliste » – une formulation qu'un croyant ordinaire n'utiliserait pas – et observe qu'il « n'a peut-être pas le don de la foi ».

Peut-être pas, mais il est assez clair que quelque chose lui est arrivé.

Source : Wall Street Journal

Taking religion seriously

Par Charles Murray
Publié par Encounter, 
200 pages,  29,99 $ US

Présentation de l'éditeur

« Des millions sont comme moi quand il s'agit de religion : des gens bien éduqués et prospères pour qui la religion n'a pas été pertinente », écrit Charles Murray. « Pour eux, je pense que j'ai une histoire qui vaut la peine d'être racontée. » Prendre la religion au sérieux est le récit autobiographique de Murray d'une évolution de plusieurs décennies dans sa position vers l'idée de Dieu en général et du christianisme en particulier. Il soutient que la religion est quelque chose qui peut être abordé comme un exercice intellectuel. Son récit passe de la physique improbable du Big Bang à des découvertes récentes sur la nature de la conscience ; de la psychologie évolutionniste aux hypothèses sur une loi morale universelle. Son exploration du christianisme plonge dans la paternité des Évangiles, la fiabilité des textes qui survivent et l'érudition entourant l'histoire de la résurrection. Murray, l'auteur de Coming Apart et coauteur de Courbe de Bell, n'écrit pas en tant qu'expert. « Si vous prenez la religion au sérieux pour la première fois, vous êtes confronté au même problème que moi : nous sommes obligés de décider ce que nous faisons d'une grande variété de sujets que nous n'avons pas la possibilité de maîtriser ». Il offre son exemple personnel du fonctionnement du processus. « Peut-être que Dieu a besoin d'un moyen d'atteindre des agnostiques suréduqués et c'est ce dans quoi je suis tombé », écrit-il. « C'est un processus plus aride que la révélation divine, mais il a été gratifiant. Et si vous êtes comme moi, c'est le seul jeu en ville. »
 
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