lundi 24 novembre 2025

La Chine compte trop de diplômés universitaires et souhaite orienter les jeunes vers les écoles professionnelles

Sur les rives de la rivière Fuchun (Fou-tch’ouen), dans la province orientale du Zhejiang (Tché-Kiang), les jeunes qui feront la force motrice de la Chine de demain sont déjà au travail. À l’Institut technique de Hangzhou (Hang-Tcheou), plus de 6 000 étudiants âgés de 14 à 20 ans apprennent à piloter des drones, à fabriquer des aimants en terres rares et à entretenir des véhicules électriques et des robots industriels. Chaque année, Shao Weijun, son directeur, demande à plus de 600 entreprises chinoises de prévoir leurs besoins en compétences diverses ; leurs réponses déterminent les cours que son institut choisit de dispenser. Il affirme que presque tous ses étudiants trouvent un bon emploi à la fin de leurs études.

La Chine est en train de mener une grande campagne de promotion en faveur de formations pratiques, plus nombreuses et de meilleure qualité. Environ 34 millions de jeunes étudient dans le système d’enseignement professionnel chinois. Il s’agit notamment d’adolescents inscrits dans des lycées professionnels, ainsi que d’étudiants dans des établissements d’enseignement supérieur qui fonctionnent en parallèle des universités. Cependant, comme dans de nombreux autres pays, les cours de formation technique en Chine souffrent de leur image de refuge pour les étudiants peu sérieux. Les élèves et les parents considèrent souvent les établissements professionnels comme sous-financés et mal gérés. Dans de nombreux cas, cette opinion n’est pas infondée selon The Economist.

Le Parti communiste a de bonnes raisons de vouloir remédier à cette situation. L’une d’elles est la crainte croissante que le secteur universitaire chinois ne se soit développé trop rapidement et de manière excessive (voir graphique). De nombreux jeunes diplômés brillants ont du mal à trouver un emploi, et environ 17 % des Chinois âgés de 16 à 24 ans (à l’exclusion des étudiants actuels) étaient au chômage en octobre. Parmi eux, on trouve de nombreux jeunes possédant des qualifications impressionnantes.

Les diplômés ne parviennent pas à trouver un emploi, alors même que de nombreux chefs d’entreprise se plaignent de la difficulté à recruter du personnel possédant les compétences dont ils ont besoin. Le parti reconnaît que la Chine aura besoin de scientifiques et d’ingénieurs brillants si elle veut dominer les technologies du futur. Mais il reconnaît également qu’elle aura besoin d’une importante armée de techniciens pour faire fonctionner tous ses robots, centres de données et autres équipements de pointe. Il est essentiel de former en permanence ces techniciens si la Chine veut atteindre les objectifs ambitieux de son prochain plan économique quinquennal.

En 2022, le gouvernement chinois a révisé sa loi sur l’enseignement professionnel, qualifiant les compétences techniques d’« aussi importantes » que les diplômes universitaires. En décembre 2024, le ministère de l’Éducation a annoncé la création de 40 nouvelles formations professionnelles pour les apprentis de différents niveaux, dont beaucoup concernent des secteurs de pointe tels que l’IA et la biomédecine. Et en juin de cette année, le gouvernement a lancé une campagne visant à améliorer les compétences de 30 millions de travailleurs supplémentaires d’ici 2027, en particulier ceux « dont le développement industriel a un besoin urgent » dans des domaines tels que la technologie des grands fonds marins et l’« économie de basse altitude » (drones, taxis volants, etc.)

Cette dernière campagne comprendra notamment des efforts visant à renvoyer certains diplômés universitaires à l’université, dans l’espoir qu’ils en ressortent avec des compétences plus recherchées sur le marché du travail. Les gouvernements provinciaux du Zhejiang (Tché-kiang), du Shandong (Chan-tong), de l’Anhui (Ngan-houei) et d’autres provinces ont élaboré des plans pour aider la Chine à atteindre son objectif pour 2027 ; ceux-ci comprennent des programmes de reconversion professionnelle pour les personnes déjà titulaires d’un diplôme. Les étudiants des établissements professionnels cherchent depuis longtemps à obtenir des places dans des établissements universitaires, il est donc remarquable que le mouvement commence maintenant à s’inverser. Bien que le parcours professionnel vers l’université, zhuanshengben (专升本), soit depuis longtemps populaire comme voie potentielle pour les étudiants des établissements professionnels qui souhaitent s’inscrire à un programme de licence universitaire, certains nouveaux programmes permettent aux diplômés universitaires de suivre une formation technique dans le cadre d’une tendance inverse appelée benshengzhuan. Une enquête menée l’année dernière par Zhaopin, une agence de recrutement, a révélé que 52 % des diplômés universitaires pensent qu’une formation technique supplémentaire augmenterait leurs chances de trouver un emploi.

Le gouvernement a également entrepris une grande campagne de propagande pour convaincre davantage de personnes que des formations techniques pourraient leur permettre de faire fortune. « Il fut un temps où l’idée selon laquelle les cols blancs étaient supérieurs aux cols bleus était profondément ancrée », a noté en juillet le Quotidien du Peuple, organe officiel du Parti communiste chinois. « Mais aujourd’hui, avec la généralisation de l’enseignement supérieur, la forte corrélation entre les diplômes universitaires et un bon emploi est en train de disparaître. » En août, le Quotidien de la jeunesse chinoise, un journal gouvernemental, a cité un chercheur du ministère de l’Éducation qui appelait à repenser les valeurs qui ont conduit à « une offre excédentaire de diplômes et une pénurie de compétences ».

Comme pour beaucoup d’autres pays, l’un des objectifs à long terme de la Chine est de réduire les barrières qui séparent nettement les filières universitaires et techniques. Cela permettrait aux étudiants de passer plus facilement d’une filière à l’autre, ou même d’acquérir des qualifications combinant des éléments des deux. Les responsables chinois encouragent de plus en plus la création de licences orientées vers la pratique dans les universités de niveau inférieur, explique Gerard Postiglione, professeur émérite d’éducation à l’université de Hong Kong. Et de plus en plus d’établissements autrefois purement professionnels sont désormais autorisés à proposer certaines licences.

Rendre ses parents fiers

Les mentalités changent-elles sur le terrain ? Cela dépend à qui vous posez la question. Shen Kecheng est étudiant en première année d’automatisation électrique à l’université polytechnique de Pékin. Son cursus est professionnel et comprend beaucoup d’apprentissages pratiques, ce qui lui plaît ; il estime que ses perspectives d’emploi dans le secteur aéronautique sont bonnes. Néanmoins, il prévoit de poursuivre ses études jusqu’à obtenir une licence. Après tout, les entreprises continuent de donner la priorité aux diplômés universitaires lors du recrutement, dit-il. 

He Li, 22 ans, étudiant à l’Institut technique et professionnel ferroviaire de Xi’an (Si-ngan-fou), semble plus sûr de son choix. Il raconte que lorsque sa cousine a été admise dans un programme de maîtrise dans une bonne université de la province du Sichuan (Seu-tch’ouan), sa famille a organisé une fête. Mais après avoir obtenu son diplôme, elle a fini par trouver un emploi temporaire dans une école primaire, explique-t-il, ce qui n’était pas du tout la récompense qu’elle avait imaginée. Son université est beaucoup moins prestigieuse, mais elle entretient des relations étroites avec des employeurs dans tout le pays. Un bon emploi dans la maintenance des réseaux de métro s’annonce. « Il est impossible que tout le monde occupe un poste de direction ou travaille dans un bureau, dit-il. Il s’agit de s’adapter à l’époque.

Source : The Economist

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Le 25 novembre et le 6 décembre, hier et aujourd'hui

Catherinette dans un bureau municipal d'Alsace en 2010
On appelait naguère « catheri­nettes » les jeunes femmes de vingt-cinq ans encore céliba­taires lors de la Sainte-Catherine (25 novembre). Une fête était souvent organisée au cours de laquelle les jeunes filles portant une coiffe faisaient des vœux pour un prompt mariage.

Autrefois, les statues de sainte Catherine placées dans les églises étaient ornées d'une coiffe qui était renouvelée chaque année. Cette opération était le privi­lège des jeunes femmes âgées de plus de 25 ans encore céliba­taires. Ainsi, l'expression « elle va coiffer sainte Catherine » signifiait que la jeune femme en question n'avait toujours pas trouvé de mari. Cette dernière pouvait alors implorer la sainte avec la prière suivante : « Sainte Catherine, aide-moi. Ne me laisse pas mourir célibataire. Un mari, sainte Catherine, un bon, sainte Catherine ; mais plutôt un que pas du tout ». Les jeunes hommes célibataires avaient la Saint-Nicolas, le 6 décembre. Les célibataires qui fêtaient leur trentième anniversaire portaient la crosse de Saint Nicolas. Époque naïve et romantique où l'on valorisait le couple stable et le mariage...

Au Canada et au Québec, la Sainte-Catherine est aussi associée à la fameuse tire du même nom, une idée, selon la légende, de la célèbre Marguerite Bourgeoys. Ingénieuse, la première institutrice de Ville-Marie s'en serait servi pour attirer les Amérindiennes à l'école.

dimanche 23 novembre 2025

Sondage — Le climat n'est plus une priorité pour les Canadiens (ni les Québécois)

Le dernier sondage national d’Abacus a révélé que seuls 13 % des Canadiens citent « le changement climatique et l’environnement » parmi leurs trois principales préoccupations. Au Québec, ce chiffre atteint 18 %, mais en Saskatchewan et au Manitoba, il tombe à 6 %. Chez les conservateurs, il n’est que de 4 %. Même les partisans libéraux n’atteignent que 18 %. 


Le climat n’a pas totalement disparu du palmarès des préoccupations des sondés, mais il a été relégué loin des premières places.

En tête des préoccupations des Canadiens, figurent la hausse du coût de la vie (66 %), l’économie (39 %) et les soins de santé (35 %), le logement abordable (33 %) et l’immigration (25 %). L’opinion publique est fortement concentrée sur les pressions quotidiennes. 

On a observé la même tendance lors du sondage final d’Abacus pour les élections fédérales de 2025. Lorsqu’on a demandé aux électeurs potentiels quels étaient les deux facteurs les plus importants dans leur décision de vote, 45 % ont choisi « la réduction du coût de la vie », suivis par 30 % pour la gestion de Donald Trump et l’impact de ses décisions. Le changement climatique n’a été mentionné que par 5 % des personnes interrogées, se classant ainsi parmi les derniers de la liste.

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Histoire — le 23 novembre 1837, bataille de Saint-Denis


La bataille de Saint-Denis est un événement des rébellions de 1837-1838. Elle a lieu le 23 novembre 1837 à Saint-Denis (Saint-Denis-sur-Richelieu), un village situé sur la rive sud de la rivière Richelieu. Elle oppose un groupe composé de 200 miliciens patriotes et de 600 civils sans armes, dirigé par le docteur Wolfred Nelson, à un contingent de 300 soldats de l’armée britannique, dirigé par le lieutenant-colonel Charles Stephen Gore.

Au mois de novembre 1837, la crise amorcée par la réponse négative de la Grande-Bretagne aux revendications patriotes atteint un point culminant. Le 6 novembre 1837, une bagarre éclate dans les rues de Montréal entre les Fils de la liberté et le Doric Club. Dix jours plus tard, le gouvernement lance des mandats d’arrestation contre 26 chefs patriotes. Plusieurs d’entre eux choisissent alors de quitter Montréal pour se réfugier dans les campagnes. Louis-Joseph Papineau et Edmund Bailey O’Callaghan, après un arrêt à Varennes, se rendent à Saint-Denis.

Sir John Colborne, le commandant en chef des forces armées dans les deux Canadas, décide d’envoyer deux détachements de l’armée pour arrêter les chefs patriotes visés par les mandats d’arrestation. Croyant que la plupart des chefs se trouvent à Saint-Charles (Saint-Charles-sur-Richelieu), un premier détachement, mené par le commandant George A. Wetherall, prend la route du sud par Chambly. Un second, dirigé par Charles Stephen Gore, prend la route du nord en direction de Sorel (Sorel-Tracy).

Papineau et O’Callaghan, qui ont rejoint Nelson à Saint-Denis, organisent alors la résistance aux arrestations prévues dans ce village et celui de Saint-Charles. Ils mettent en place des camps et ils réquisitionnent des armes. Au matin du 23 novembre, alors que le détachement de Gore se trouve à proximité de Saint-Denis, Papineau et O’Callaghan quittent le village en direction de Saint-Hyacinthe.

Lorsque l’armée de Gore arrive à proximité de Saint-Denis, les soldats sont épuisés par une marche qui a duré toute la nuit, le froid et la pluie. De leur côté, les patriotes ont vu venir les troupes et plusieurs sont barricadés dans des bâtiments de pierre à l’entrée du village. La bataille tourne à l’avantage des patriotes, qui bénéficient de l’effet de surprise et d’un meilleur positionnement stratégique. Après environ six heures de combat, Gore sonne la retraite. Les pertes des patriotes s’élèvent à douze morts et sept blessés, tandis que les Britanniques comptent six morts, dix blessés et six disparus.

La bataille de Saint-Denis est la seule victoire des patriotes durant les rébellions de 1837-1838. Elle est suivie par leurs défaites lors des batailles de Saint-Charles (25 novembre) et de Saint-Eustache (14 décembre). Par la suite, plusieurs patriotes se réfugient aux États-Unis où ils s’organisent autour du docteur Robert Nelson.

Source




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samedi 22 novembre 2025

Les immigrants très qualifiés et les francophones ont le plus tendance à quitter le Canada

Selon le nouveau rapport de l’Institut pour la citoyenneté canadienne (ICC) et du Conference Board of Canada, intitulé Des occasions manquées 2025 : Rétention difficile des immigrants très qualifiés et professions en forte demande, les immigrants continuent de quitter le Canada à des taux qui frôlent les records. En outre, le taux auquel les immigrants très instruits et très qualifiés quittent le Canada est le double de ceux moins instruits et moins qualifiés. 

Principales constatations
  • Un immigrant sur cinq quitte le Canada au cours des 25 années suivant son établissement. Les immigrants très instruits partent plus vite : les titulaires d’un doctorat ont presque deux fois plus tendance à partir que ceux titulaires d’un baccalauréat.
  • Les immigrants très qualifiés sont deux fois plus nombreux à partir au cours des cinq premières années que les travailleurs peu qualifiés.
  • Les professions à la croissance la plus rapide, dont les besoins en main-d’œuvre sont les plus élevés, connaissent les taux de rétention les plus faibles : les gestionnaires d’entreprises et de services financiers, les professionnels des technologies de l’information et des communications, les ingénieurs et les directeurs de services d’architecture affichent les taux de départ les plus élevés.

  • La croissance de la rémunération importe : les immigrants dont les gains croissent faiblement sont beaucoup plus enclins à partir, c’est ainsi que parmi les titulaires d’un doctorat, ceux dont le revenu est stagnant ont presque trois fois plus tendance à partir que ceux dont le revenu augmente au Canada.
  • C’est au Canada atlantique que la rétention est la plus difficile : les immigrants sont plus nombreux à quitter cette région que partout ailleurs au pays.
  • La majorité des immigrants partent de la première province du Canada où ils se sont établis, sans tenter d’aller vivre dans d’autres provinces.
  •  Les immigrants francophones sont plus susceptibles de quitter le pays.
Les immigrants francophones sont plus susceptibles de quitter le Canada (et le Québec)

Un autre rapport de l’ICC s’est penché sur trois groupes linguistiques d’immigrants qui effectuent une migration subséquente (qui quittent donc le Canada), catégorisés selon leur langue maternelle : les francophones, les anglophones et les allophones (ceux qui ne parlent ni français ni anglais). 

Bien que la plupart des immigrants qui quittent le Canada déclarent une langue maternelle autre que l’anglais ou le français, le nombre d’immigrants qui parlent le français comme langue maternelle est en augmentation.

En termes absolus, les allophones quittent le pays plus que les autres groupes linguistiques parce qu’ils constituent aussi, de manière disproportionnée, le plus grand groupe de nouveaux arrivants au Canada. Cependant, après pondération, on constate que le taux de migration subséquente des immigrants francophones est plus élevé que celui des anglophones et des allophones.

En outre, les francophones émigrés ont tendance à partir plus tôt que les anglophones et les allophones. (voir ci-dessous). 

Les taux de migration subséquente des immigrants francophones, anglophones et allophones atteignent un sommet deux ans après leur arrivée (taux moyen pondéré de migration subséquente des immigrants reçus pour les cohortes de 1982 à 2019, en pourcentage).

Les taux cumulés de migration subséquente montrent que le Canada perd un tiers de sa population immigrante francophone à long terme. Ce problème est particulièrement prononcé en Ontario, où le taux de migration subséquente des francophones est élevé par rapport à l’afflux d’immigrants francophones dans cette province (voir ci-dessous).  
 

Sans surprise, le Québec, qui est la province qui accueille le plus grand nombre d’immigrants francophones, compte aussi la plus importante part cumulative d’immigrants francophones quittant le pays. En Ontario, cependant, le taux cumulé de migration subséquente des francophones est élevé comparativement à la proportion plus faible d’immigrants francophones qui s’y établissent. Cela signifie que l’Ontario a du mal à retenir les immigrants francophones au même rythme que les immigrants s’y établissent. Dans les autres provinces et territoires, la migration subséquente des francophones est beaucoup moins importante, ce qui en fait un problème qui touche de manière disproportionnée le Québec et l’Ontario.

Pays d’origine des immigrants qui quittent le Canada après y avoir résidé
 

 

vendredi 21 novembre 2025

Beethoven sous la loupe de la génétique : santé fragile, ascendance européenne, et fin d’un mythe « mauresque » tenace

Ludwig van Beethoven reste l’un des compositeurs les plus étudiés de l’histoire. Mais depuis 2023, il l’est avec des certitudes nouvelles. Cette année-là, une équipe internationale publiait dans Current Biology le séquençage presque complet de son génome, reconstitué à partir de mèches de cheveux authentifiées.

Les résultats sont d’une clarté rare : ils éclairent les raisons probables de sa mort, apportent des précisions sur ses fragilités médicales et dissipent au passage des théories identitaires qui s’étaient récemment invitée dans le débat public.

Un génome enfin lisible

Huit mèches de cheveux attribuées au compositeur ont été analysées. Parmi elles, la “mèche Stumpff”, soigneusement conservée depuis 1827, a livré la plupart des données.

Grâce à une profondeur de séquençage exceptionnelle, les chercheurs sont parvenus à reconstruire la quasi-totalité du génome de Beethoven, un exploit pour un matériau aussi ancien.

La conclusion la plus simple est aussi la plus solide : Beethoven avait une ascendance entièrement nord-ouest européenne, conforme à ce que l’on sait de ses origines familiales en Flandres et en Allemagne. L’analyse ne détecte aucun apport génétique d’origine africaine ou maure.

Un autre élément intrigue les généalogistes : un “événement de non-paternité” survenu entre le XVIᵉ et le XVIIIᵉ siècle. Rien de surprenant pour une lignée ancienne, mais un rappel utile sur la fragilité des arbres généalogiques reconstitués.

Les causes probables de sa mort

Le séquençage apporte aussi un éclairage décisif sur la fin de Beethoven, un sujet longtemps controversé.

Le compositeur portait plusieurs variants associés aux maladies du foie, dont une mutation du gène PNPLA3, aujourd’hui bien connue pour favoriser la stéatose et la cirrhose.

Les lettres, les témoignages et les carnets de l’époque s’accordent : Beethoven buvait régulièrement, parfois beaucoup.

Les analyses de kératine des mèches les plus tardives montrent des fragments d’hépatite B, signe d’une infection récente ou réactivée.

La combinaison de ces trois facteurs compose un tableau médical cohérent : une cirrhose avancée, aggravée par une infection virale et un terrain génétique défavorable.

En d’autres termes, la science actuelle offre une explication bien plus solide que les hypothèses anciennes d’empoisonnement.

Une zone d’ombre persistante : la surdité

Les chercheurs espéraient peut-être trouver un variant rare expliquant sa surdité progressive.

Il n’en est rien : aucun gène connu responsable de perte auditive n’a été repéré. Les causes probables restent multifactorielle — otosclérose, infection, maladie auto-immune — sans certitude définitive.

Le mythe du “Beethoven noir” : un récit à la mode infondé

Depuis une dizaine d’années, une théorie, surtout relayée sur les réseaux sociaux, prétend que Beethoven aurait eu des ancêtres maures ou africains. Elle repose principalement sur quelques descriptions anciennes évoquant un teint “sombre” — descriptions ambiguës et peu fiables.

L’étude ADN de 2023 règle la question d’un point de vue strictement factuel : aucun marqueur génétique ne va dans ce sens.

L’épisode Bozar : l’insinuation par l’image

En 2020, le Centre des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar) proposait pour le 250ᵉ anniversaire du compositeur l’exposition Hotel Beethoven. Parmi les œuvres figuraient des pièces contemporaines, dont la vidéo Synapse de Terence V. Adkins.

Cette vidéo appartient à sa série Black Beethoven, et le texte d’accompagnement officiel (en anglais!) était tout sauf ambigu:

La vidéo “Synapse” d’Adkins a été développée dans le cadre de sa série “Black Beethoven”, qui explore le mythe de Ludwig von Beethoven étant noir, car il avait une ascendance maure. Dans l’œuvre, Adkins présente un portrait du compositeur emblématique qui se transforme lentement en celui d’un jeune homme noir avec des dreadlocks courts et inversement. La transformation répétée de l’image traduit la réticence d’Adkins à régler le débat sur la race de Beethoven. Il a expliqué : “J’espère générer un sentiment de recherche dans le public… Vous pourrez alors combler les lacunes et participer à l’histoire à votre manière”. 

Autrement dit, l’œuvre entretient délibérément l’idée d’un “débat” sur l’identité raciale de Beethoven, débat qui n’a jamais reposé sur des preuves historiques — et dont l’ADN confirme aujourd’hui l’inanité.

Bozar n’affirme pas frontalement que Beethoven était d’ascendance africaine, mais en intégrant cette œuvre et son commentaire, l’institution laisse clairement entendre que la question pourrait rester ouverte, du moins sur le plan symbolique.

Le séquençage de 2023 accomplit deux choses à la fois simples et essentielles :

  • Il documente précisément les maladies, les risques génétiques et la fin de Beethoven, replacés désormais dans un cadre médical cohérent.
  • Il met un terme scientifique aux spéculations sur une ascendance africaine, révélations qui n’avaient aucun soutien historique ou génétique.

Il subsiste des mystères — la surdité notamment — mais la génétique a rendu un Beethoven plus humain, plus concret.

Voir aussi

Belgique : le Musée des beaux-arts (« Bozar ») célèbre la naissance de Ludwig van Beethoven avec un Beethoven noir...

Tribunal en Ohio — On ne peut forcer les élèves à utiliser des pronoms transgenres « préférés » de leurs camarades

Les élèves ne peuvent pas être forcés d’utiliser les pronoms transgenres inventés de leurs camarades de classe, a confirmé la Cour d’appel du sixième circuit aux États-Unis dans une décision récente.

La Cour d’appel du sixième circuit s’est prononcée contre le district scolaire d’Olentangy dans l’Ohio et en faveur des droits religieux et de la liberté d’expression des élèves. 

Association Parents Defending Education

L’affaire a suscité l’intérêt national de groupes juridiques conservateurs.

« Un district scolaire public de l’Ohio interdit à ses élèves de faire référence à des camarades de classe transgenres et non binaires en utilisant les pronoms qui correspondent à leur sexe biologique si les camarades de classe préfèrent utiliser des pronoms différents », a écrit le juge Eric Murphy, nommé par Trump, pour l’opinion majoritaire.

« Le plaignant dans cette affaire regroupe des parents et des élèves qui croient que le sexe d’une personne est immuable », a écrit Murphy dans une décision publiée le 6 novembre. 

« Les membres veulent exprimer ce point de vue en utilisant des pronoms biologiques. Et ils croient qu’ils transmettraient un mensonge — que le genre d’une personne est fluide — s’ils utilisaient les pronoms préférés. »Le district scolaire a fait valoir qu’il devait forcer tous les élèves à appeler leurs camarades de classe par les pronoms de leur choix, sinon cela « perturberait » le fonctionnement de l’école.

Le juge Murphy a rejeté cet argument et a fustigé le district scolaire pour avoir pris « parti » dans le débat sur l’idéologie du genre.

« Le district scolaire a “ciblé” l’utilisation de pronoms biologiques par un locuteur comme étant inappropriée tout en permettant aux élèves d’utiliser des pronoms préférés (peu importe à quel point ils sont nouveaux) », a écrit Murphy.

Le district se livre à une « discrimination de point de vue », ce qui viole le premier amendement, selon l’opinion majoritaire.

« Le district scolaire autorise certains messages approuvés sur ce sujet — que les individus peuvent avoir des genres différents de leur sexe ou au moins que notre société devrait se référer aux individus en utilisant les pronoms préférés pour être courtois », note l’avis. « Et le district scolaire interdit une vision défavorisée sur le sujet — que les individus ne peuvent avoir qu’un seul sexe déterminé à la naissance et qu’il est parfaitement approprié de se référer aux autres en utilisant des pronoms biologiques. »

La décision fait suite à une décision antérieure du sixième circuit au nom d’un professeur d’une université publique de l’Ohio, Nicholas Meriwether, qui avait refusé d’utiliser les pronoms « préférés » d’un étudiant.

Des groupes juridiques saluent la décision


Les groupes de défense juridique ont salué la décision comme une victoire pour la liberté d’expression. « Nous sommes profondément satisfaits de l’analyse intensive du sixième circuit non seulement de notre cas, mais aussi de l’état des droits des élèves garantis par le premier amendement à l’ère moderne », a déclaré la présidente de Parents Defending Education, Nicole Neily, dans un communiqué de presse.

 « La décision de la Cour — et ses nombreux soutiens — expriment l’importance de la liberté d’expression, les limites et les dangers des écoles publiques qui prétendent agir in loco parentis, et le rôle essentiel de la persuasion — plutôt que de la coercition — sur la place publique américaine. »

Le juriste du groupe a exposé des commentaires similaires.

« Malgré sa tentative maladroite de faire échouer l’affaire, le district scolaire d’Olentangy s’est vu rappeler sévèrement par le tribunal en banc du 6e circuit qu’il ne peut pas forcer les élèves à exprimer un point de vue sur l’identité de genre avec lequel ils ne sont pas d’accord, ni étendre sa portée au-delà du seuil de l’école à des questions mieux adaptées à l’exercice de l’autorité parentale. »

Une victoire retentissante pour la parole des élèves et les droits parentaux était attendue depuis longtemps pour les familles du district scolaire, et nous sommes ravis que la décision du tribunal profite à d’autres personnes cherchant à faire valoir leurs droits en classe et au-delà, a déclaré Sarah Parshall Perry.

« Nous sommes heureux que le tribunal ait confirmé le droit constitutionnel fondamental des élèves de s’exprimer selon leurs croyances profondes », a déclaré l’avocat de l’Alliance Defending Freedom, John Bursch, dans un communiqué de presse séparé.
 
Le juriste très respecté Jonathan Turley a également conclu que le tribunal avait pris la bonne décision. Il a noté que les juges nommés par les républicains se sont prononcés en faveur de la liberté d’expression, tandis que les juges nommés par les démocrates ont voté pour laisser le district scolaire sanctionner les élèves qui n’utilisent pas les nouveaux pronoms.

Turley, professeur à la faculté de droit de l’Université George Washington, l’a qualifiée de « décision majeure ». Il a déclaré que le district pourrait faire appel devant la Cour suprême, mais qu’il y avait de fortes chances que les juges confirment la décision et établissent ainsi une norme nationale.

« La question est de savoir si le district veut risquer de doubler la mise avec une main perdante si la Cour suprême confirme le jugement », a écrit Turley. « Certains défenseurs peuvent être méfiants à l’idée de risquer sur un autre appel étant donné les implications d’une décision défavorable dans le dossier des pronoms trans qui s’appliquerait à l’échelle nationale. »

Cet été, la Cour suprême a statué que les mineurs n’ont pas le droit d’accéder à des traitements hormonaux et chirurgicaux de transition de genre de façon permanente. Le tribunal doit entendre une affaire ce trimestre concernant la question de savoir si les garçons transgenres ont le droit de participer à des équipes sportives féminines.

400 000 dollars à un professeur d’université
  
En avril de cette année, l’université Shawnee State a été condamnée à verser 400 000 dollars pour mettre fin à un litige avec un professeur chrétien qui refusait d’utiliser les pronoms choisis par un étudiant en proie à une confusion sexuelle.

Le professeur Nicholas Meriwether avait proposé d’appeler les étudiants par le nom de leur choix, mais l’université a rejeté ce compromis. L’université publique de l’Ohio a perdu son procès en mars dernier et a donc conclu un accord avec Meriwether et ses avocats de l’Alliance Defending Freedom (ADF) pour un montant de 400 000 dollars en dommages et intérêts et frais juridiques.

« Dans le cadre de l’accord, l’université a accepté que Meriwether ait le droit de choisir quand utiliser ou éviter d’utiliser des titres ou des pronoms pour désigner ou s’adresser aux étudiants », a déclaré l’ADF dans un communiqué de presse. « Il est important de noter que l’université a accepté que Meriwether ne soit jamais obligé d’utiliser des pronoms, y compris si un étudiant demande des pronoms qui ne correspondent pas à son sexe biologique. »

450 000 dollars à une enseignante de collège

Plus tôt cette année, un district scolaire de l’Ohio a été condamné à verser 450 000 dollars à une enseignante de collège qui avait démissionné pour avoir refusé d’appeler deux élèves transgenres par leurs prénoms et pronoms préférés.

Le district scolaire local de Jackson a conclu un accord en décembre avec l’enseignante, Vivian Geraghty, après qu’elle eut affirmé dans un procès en 2022 que ses droits de libre expression garantis par le premier amendement avaient été violés lorsqu’on lui avait demandé de démissionner de son poste de professeur de lettres au collège.

Cet accord fait suite à une décision rendue en août par le tribunal fédéral du district nord de l’Ohio, selon laquelle le fait de forcer Mme Geraghty à utiliser les prénoms préférés des élèves équivalait à une « contrainte verbale » et que la « pratique de l’école en matière de pronoms n’était pas neutre ».

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jeudi 20 novembre 2025

Paysage religieux en France, aux États-Unis et en Suisse

France

États-Unis



Suisse


Postes Canada et la récupération politique de l'esclavage (le timbre Marie Joseph Angélique)

Postes Canada a émis en 2025 un timbre à l’effigie de Marie-Josèphe Angélique (ci-dessous) avec le texte suivant :

Le 10 avril 1734, un incendie ravage une grande partie du quartier marchand de Montréal. Des dizaines de maisons et de bâtiments sont rasés. Marie Joseph Angélique, une esclave noire de 29 ans, est arrêtée. On dit qu’elle aurait allumé l’incendie pour échapper à sa maîtresse après avoir appris qu’elle avait été vendue et qu’elle pourrait être envoyée dans les Antilles.

Son procès dure plusieurs semaines ; plus de 20 personnes sont appelées à témoigner, mais aucune ne semble avoir été témoin du crime. La plupart accusent la jeune femme parce qu’elle avait déjà tenté de s’enfuir, affirmant qu’elle s’était aussi déjà rebellée contre sa maîtresse et l’avait menacée.

Marie Joseph Angélique maintient son innocence tout au long du procès. « Madame, je suis peut-être malveillante, mais je ne suis pas assez misérable pour commettre un tel acte », plaide-t-elle durant son interrogatoire. Elle est toutefois reconnue coupable, condamnée à mort et soumise à la torture jusqu’à l’obtention d’une confession. Le 21 juin 1734, elle est pendue sur la place publique.

Bien que les opinions des spécialistes soient partagées sur la culpabilité ou l’innocence de Marie Joseph Angélique, son histoire continue d’alimenter des conversations sur l’égalité raciale, la justice et l’importance de reconnaître les complexités du passé du Canada.

1. Opinions divergentes sur son innocence

Malgré le manque d’unanimité sur la culpabilité ou l’innocence de Marie Joseph Angélique, Postes Canada émet un timbre sur ce personnage mineur ressorti récemment par des militants de l’obscurité historique. Image-t-on faire un timbre sur un incendiaire (probable ou potentiel) blanc ?

2. Inexactitudes factuelles et omissions

Témoignages mal caractérisés :

L’article affirme que « plus de 20 personnes sont appelées à témoigner, mais aucune ne semble avoir vu le crime être commis ». Cette affirmation est partiellement inexacte. Le témoignage d’Amable Lemoine Monière, une fillette de 5 ans, est un témoignage direct, car elle déclara avoir vu Angélique transporter une pelle de braises au grenier, où l’incendie aurait débuté. Bien que ce témoignage soit douteux (en raison de l’âge de la témoin et du délai de six semaines), il constitue une preuve oculaire directe, contrairement à ce que l’article suggère. De plus, le témoignage de Marie-Manon, une esclave panis [indienne], rapportant des menaces d’Angélique, est également direct (paroles entendues), non un ouï-dire. L’article simplifie en laissant entendre que tous les témoignages étaient indirects, ce qui obscurcit la nature du procès.

Omission d’autres hypothèses (que la rébellion contre sa maîtresse)  : 

L’article ne mentionne pas que Thérèse de Couagne, la maîtresse d’Angélique, défendit son innocence, un fait rare pour une propriétaire d’esclave. Ces omissions renforcent un narratif simpliste de culpabilité ou de rébellion, sans refléter la complexité du procès.

L’article présente l’incendie comme un acte potentiellement lié à une tentative de fuite (« pour tenter une fois de plus de fuir sa servitude »), mais ne mentionne pas l’hypothèse crédible, avancée par Denyse Beaugrand-Champagne, que l’incendie pourrait avoir été accidentel (par exemple, causé par un feu de  cheminée ou de cuisine). Cette omission favorise une lecture dramatique au détriment des nuances historiques. On a la nette impression qu’on veut faire d’Angélique une rebelle à honorer.

3. Anachronismes et projection de concepts modernes

Symbole de résistance ?

Angélique comme symbole de résistance : L’article dépeint Angélique comme une femme qui « a cherché à résister à son esclavage et à s’en défaire comme elle le pouvait », suggérant que l’incendie était un acte de rébellion. Cette interprétation, influencée par Afua Cooper (The Hanging of Angélique, 2006), manque de preuves solides. 

Les archives ne confirment pas que l’incendie était un acte délibéré de résistance ; l’aveu d’Angélique fut extorqué sous torture, et son comportement (ne pas fuir, aider à sauver des meubles) contredit l’idée d’une fuite planifiée. Comme le critique Evelyn Kolish (Revue d’histoire de l’Amérique française, 2006), cette lecture projette une vision moderne de résistance noire sur un contexte où la gravité de l’incendie (45 maisons et l’Hôtel-Dieu détruits dans une ville de 3 000 habitants) et le statut d’esclave d’Angélique expliquent mieux sa condamnation.

Discours sur l’égalité raciale : 

L’article affirme que l’histoire d’Angélique « continue d’alimenter les conversations sur l’égalité raciale ». Cette perspective applique un cadre contemporain à une affaire de 1734, où la notion de « racisme systémique » n’existait pas.

Dans la Nouvelle-France, les distinctions sociales reposaient sur le statut (esclave/libre, noble/roturier) plutôt que sur une idéologie raciale explicite.

Le procès d’Angélique, basé sur un témoignage douteux (Amable) et des menaces rapportées (Marie-Manon), reflèterait davantage la panique collective devant un incendie catastrophique que des préjugés raciaux explicites. Cette projection, critiquée par Victor Arroyo (AM Journal, 2018), risque de déformer le contexte historique.

Représentation visuelle : 

L’article de Poste Canada cite, par la suite, Charmaine Nelson, qui explique que la pose d’Angélique sur le timbre (regard déterminé et défiant) vise à contrer les représentations historiques des femmes noires comme « objets sexualisés » dans une perspective masculine blanche

Cette approche impose une lecture contemporaine de l’identité raciale et sexuelle sur une figure du XVIIIe siècle, dont aucun portrait authentique n’existe. Cette stylisation, comme le souligne l’article sur Cité Mémoire (McGill, 2021), peut manipuler l’image d’Angélique pour en faire un symbole de résistance moderne, au risque de simplifier son histoire tragique.


4. Simplification et récupération politique

Narratif héroïque : L’article présente Angélique comme une « force de caractère » et une figure de « révolte », avec un timbre où le fond orange brûlé symbolise rappelle à la fois l’incendie et son tempérament. Cette glorification, bien qu’émouvante, ignore les doutes sur sa culpabilité (et si elle est coupable sur sa motivation), soulevés par Beaugrand-Champagne, qui argue que l’incendie pourrait être accidentel et qu’Angélique fut un bouc émissaire dans une petite ville ébranlée par cette catastrophe (Montréal  avait à l’époque 200 esclaves, 60-70 noirs et 130-140 Panis). Cette récupération transforme une victime potentielle d’une injustice judiciaire en une héroïne révolutionnaire, ce que Kolish critique comme un « roman historique » plutôt qu’une analyse rigoureuse. Elle pourrait aussi être coupable d’une maladresse ayant entraîné l’incendie, à nouveau en rien une héroïne.

Manque de contextualisation judiciaire : L’article mentionne la torture comme un « sort » infligé à Angélique pour extorquer une confession, mais ne précise pas que la torture (brodequins) était une pratique légale sous l’ordonnance de 1670 pour les crimes capitaux, comme l’incendie volontaire, qui menaçait une colonie entière. Cette omission laisse entendre que la torture était exceptionnelle ou ciblée sans doute parce qu'Angélique était noire. Si la torture était rare, elle n'était pas inconnue dans de tels graves cas (moins de 10 cas documentés en Nouvelle-France, dont 3-5 suivis d’exécution). Le célèbre historien Maurice Trudel affirme que les esclaves étaient jugés devant les tribunaux exactement comme n’importe quel autre Canadien et que les châtiments qu’on leur imposait n’étaient pas plus rigoureux que ceux imposés aux hommes libres (L’esclavage au Canada français, p., 324).

Symbolisme public : La création du timbre, soutenue par des spécialistes comme Cooper et Nelson, s’inscrit dans une volonté de visibiliser l’esclavage au Canada (environ 4 200 esclaves en Nouvelle-France, dont 1 400 noirs). Cependant, en faisant d’Angélique un symbole de « résistance noire et de force féminine », l’article n'hésite pas à simplifier une affaire bien plus complexe. Comme Arroyo le note, de telles initiatives peuvent privilégier une lecture identitaire moderne au détriment des faits archivés, où la condamnation d’Angélique était davantage liée à la panique et au besoin d’un coupable qu’à sa race ou son genre.

L’article de Postes Canada sur le timbre de Marie-Josèphe Angélique contient des inexactitudes (caractérisation vague des témoignages, omission de la fragilité des preuves) et projette des concepts modernes (résistance noire, égalité raciale) sur une affaire de 1734, où la gravité de l’incendie et le statut d’esclave d’Angélique expliquent mieux sa condamnation, comme le soulignent Kolish et Beaugrand-Champagne. La présentation d’Angélique comme une rebelle héroïque, avec un regard « défiant » et un fond orange symbolisant sa force, simplifie une histoire complexe par volonté de récupération politique.


Voir aussi

Supercherie : la chanteuse oscarisée Buffy Sainte-Marie se serait inventé des origines autochtones (Poste Canada lui a consacré un timbre en 2021) 

Timbre célébrant un inconnu émis par Postes Canada pour le mois de l’Histoire des Noirs (on n’est même pas sûr qu’il soit jamais venu au Canada)

Histoire — Pas de célébration pour le 350e anniversaire de d’Iberville (pas de timbre, aucune sortie en DVD de la série Diberville par Radio-Canada)

Timbre « Le Soldat Singh », faire la morale en se cachant derrière l’histoire « méconnue »

Faits peu connus sur l’esclavage au Canada

« La moitié de l’Afrique a vendu l’autre moitié de l’Afrique en tant qu’esclaves ! »

Toronto remplace le nom d’un abolitionniste par le terme emblématique d’une tribu africaine esclavagiste… (m à j).

Le génie du christianisme

« La colonisation arabe était pire que la colonisation européenne »

Éducation sur la colonisation belge au Congo dans une école belge

 
La cruauté de la traite esclavagiste à Zanzibar a laissé un héritage de haine qui explosa après l’indépendance de l’île fin 1963. Zanzibar devint alors une monarchie constitutionnelle dirigée par le sultan, mais le gouvernement fut renversé un mois plus tard et une république populaire fut proclamée. Plusieurs milliers d’Arabes, 5 000 à 12 000 Zanzibaris d’ascendance arabe et des civils indiens furent tués, des milliers d’autres furent emprisonnés et expulsés, et leurs biens confisqués.

Cette révolte et ses massacres furent consignés dans un film italien, Africa Addio, en 1966. Voir la vidéo ci-dessous en VO, sous-titrée en français.

 Document italien où apparaissent des images des massacres contre les Arabes à Zanzibar

« Tradition franque » d’hommes libres contre esclavage traditionnel méditerranéen y compris européen

Citations ethniquement incorrectes de Karl Marx 

Radio-Canada nous « éduque » : « plus de 800 mille-z esclaves en sol canadien » en 1834

Un million d’esclaves européens chez les Barbaresques 

Le génocide voilé (traite négrière musulmane)  

Histoire — la traite esclavagiste a-t-elle permis le décollage économique de l’Occident ?

 
Manuel d’histoire québécois approuvé par le Ministère (1) — chrétiens intolérants, Saint-Louis précurseur des nazis, pas de critique de l’islam tolérant pour sa part

« “Connais-toi toi-même”, ce proverbe africain », selon le plus grand syndicat d’enseignants américain

mercredi 19 novembre 2025

Faits peu connus sur l'esclavage au Canada

Chef porté par un esclave
(Université de
Colombie-Britannique)
Poussés par ce qu’on appelle la prise de conscience du racisme aux États-Unis et de son héritage esclavagiste, de nombreux militants canadiens ont tenté d’importer au Canada la politique raciale américaine qui divise la société. 

Cependant, l’examen de l’histoire de l’esclavage au Canada selon ses propres termes et en toute bonne foi ne peut déboucher sur un discours culpabilisant identique.

Un rapport publié par la Fondation Aristote pour les politiques publiques, intitulé « L’esclavage au Canada : les faits rarement évoqués » résume l’histoire sombre du pays en matière de traite des êtres humains.

Résumé

  • Avant la découverte de l’Amérique du Nord par les Européens, on dénombrait au moins 39 sociétés esclavagistes distinctes dans la seule Amérique du Nord. 

  •  À la fin du XVIIe siècle, jusqu’à deux tiers de la population de certaines communautés iroquoises étaient composés d’« adoptés », c’est-à-dire de captifs asservis provenant d’autres tribus. 

  • Un système d’alliances autochtones vendait des esclaves aux colons de la Nouvelle-France depuis des régions aussi éloignées que le bassin du fleuve Missouri, le haut Mississippi, les Grands Lacs et la baie de Chesapeake. Ces esclaves, souvent des prisonniers de guerre, étaient appelés Panis en Nouvelle-France. La plupart des esclaves d’origine amérindienne étaient en effet des Panis (connus aujourd’hui à Paris sous le nom anglais de Pawnees) établis au Nebraska et au Kansas actuels.

  • Jusqu’au XIXe siècle, les réseaux autochtones faisaient le commerce des esclaves le long de la côte Pacifique et du fleuve Columbia. L’esclavage autochtone est interdit dès 1833 par l’abolition britannique, mais continue clandestinement dans les zones éloignées jusqu’aux années 1870–1880. On assiste dans ces années aux dernières grandes razzias d’esclaves documentées (notamment par les Haïdas et Tsimshian vers le nord, et quelques cas chez les Stó : lō sur le Fraser inférieur).
  • Environ 64 % de tous les esclaves détenus par les Européens en Nouvelle-France (puis au Canada) entre le milieu du XVIIe siècle et 1834 (date à laquelle l’esclavage a été aboli dans l’Empire britannique) étaient autochtones ; 34,5 % étaient africains. Selon les estimations les plus élevées des historiens, le nombre total d’esclaves détenus au Canada pendant cette période s’élevait à 7 000 à 7 500. À titre de comparaison, plus de treize cents fois plus d’individus, soit près de 10 millions, ont été réduits en esclavage entre 1619 et 1865 aux États-Unis selon J. David Hacker dont environ 40 % étaient en vie au début de la guerre de Sécession en 1861.
  • Malgré l’opposition des législateurs propriétaires d’esclaves, le Haut-Canada a adopté la première loi de l’Empire britannique visant à mettre fin à l’esclavage, 15 ans avant que la Grande-Bretagne n’interdise la traite des esclaves, 41 ans avant qu’elle n’abolisse l’esclavage dans les Antilles et 72 ans avant les États-Unis.  
  • Le Canada a accueilli plus de 30 000 Afro-Américains qui ont fui l’esclavage et trouvé la liberté au terminus nord du chemin de fer clandestin.  
  • Cependant, l’esclavage entre les autochtones n’a été complètement éradiqué en Colombie-Britannique qu’au début du XXe siècle.




Sans surprise, la réalité de l’esclavage au Canada était très différente de celle des États-Unis. Elle était beaucoup moins proche du péché originel américain de l’esclavage de masse et s’inscrit davantage dans les « modes de connaissance autochtones », une expression volontiers promue par le gouvernement fédéral.

En effet, l’esclavage n’est pas arrivé en Amérique du Nord avec les Européens. Ceux-ci ont simplement ajouté leur propre méthode à ce commerce ignoble qui existait déjà ici.

De vastes réseaux esclavagistes autochtones envoyaient des personnes en Nouvelle-France « depuis des régions aussi lointaines que le bassin du fleuve Missouri, le haut Mississippi, les Grands Lacs et la baie de Chesapeake ».

Il s’agissait d’un réseau motivé par le désir de richesse, d’armes et de pouvoir politique tant de la part des colons que des nations autochtones.

Les captifs pris pendant la guerre constituaient la source d’esclaves la plus facilement accessible pour ces puissances autochtones. Quelque 65 % des esclaves de la Nouvelle-France coloniale étaient des Autochtones (les « Panis », comme les appelaient les Français), volés et vendus le long de routes existant depuis longtemps et empruntées par les Hurons, les Iroquois et d’autres peuples.

Il s’agit là d’une vérité profondément dérangeante qui ne doit pas être occultée. Si les mêmes critères utilisés pour critiquer les sociétés coloniales sont appliqués aux Premières Nations, alors des dizaines de cultures autochtones ont été « fondées sur l’esclavage ».

Bien après l’abolition officielle de cette pratique par l’Empire britannique en 1834, elle a survécu parmi les Premières Nations bien plus longtemps qu’on ne le pense généralement.

Le rapport de la Fondation Aristote mentionne spécifiquement Maquinna, le chef nuu-chah-nulth qui résidait à Nootka Sound, sur l'île de Vancouver. En 1803, à la suite d’un malentendu avec le capitaine d’un navire marchand anglais, Maquinna a orchestré le meurtre de tout l’équipage, à l’exception de deux hommes blancs. Tous deux ont été réduits en esclavage pendant plus de deux ans avant de s’échapper, vivant parmi les esclaves autochtones.

Loin d'être un phénomène isolé aux Nuu-chah-nulth, toute la côte Pacifique était un foyer d'esclavage avant et après la Confédération.

Le chef haïda Albert Edward Eda'nsa est né en 1810. Lorsqu’il s’est marié en 1850, il possédait 12 esclaves et en a reçu 10 autres en dot de la part du père de son épouse.

En 1883, Eda'nsa détenait toujours des êtres humains en esclavage. Cela se passait 12 ans après l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération, 18 ans après la fin de la guerre civile américaine et un demi-siècle après l’abolition de l’esclavage par l’Empire britannique.

Le chef Eda'nsa fut l’un des derniers esclavagistes de l’histoire de l’Amérique du Nord. Bien sûr, la pratique répandue de l’esclavage parmi les Premières Nations n’absout pas les colons blancs. Toutefois, ce sont les Blancs qui imposèrent dans le monde la fin de ce trafic. 


Edenshaw et Hoo-yâ. Chefs à Ya-tza et Masset, île Graham, îles de la Reine-Charlotte, Colombie-Britannique. 


On constata une augmentation notable de l’acquisition d’esclaves auprès de fournisseurs autochtones au début du XVIIIe siècle en Nouvelle-France. En 1725, « la moitié des colons propriétaires d’une maison » dans le quartier commercial de Montréal possédaient un esclave autochtone.

Au total, le nombre d’esclaves en Nouvelle-France ne dépassa pas 5 % de la population de la colonie. 

Une étude menée par l’historien Marcel Trudel et publiée en 1960 estimait qu’au plus 4 185 esclaves vivaient dans ce qui est devenu le Bas-Canada (Québec) entre le milieu du XVIIe siècle et 1834, date à laquelle l’esclavage a été aboli dans l’Empire britannique.

L’esclavage existait également dans les colonies anglophones. Après la guerre d’indépendance américaine, jusqu’à 3 200 esclaves noirs ont été amenés dans le Haut-Canada et les Maritimes.

Cependant, un examen de l’histoire de l’esclavage au Canada révèle une vérité incontournable : le Canada et plus encore le Québec n’ont tout simplement pas été marqués par l’esclavage comme l’ont été les États-Unis. Alors que 10 millions de personnes ont été réduites en esclavage aux États-Unis entre 1619 et 1865, le nombre total d’esclaves (surtout autochtones donc) au Canada pendant cette période n’a jamais dépassé 7 500.

Le nombre et la longévité de l’esclavage des Autochtones en ont fait la forme de traite des êtres humains la plus marquante de l’histoire du Canada. Est-ce là ce que les défenseurs avaient à l’esprit lorsqu’ils ont déclaré que le Canada devait suivre l’exemple des États-Unis en matière de reconnaissance de l’esclavage ?

Même si certains souhaitent ardemment que le Canada et le Québec aient été « bâtis sur l’esclavage » comme les États-Unis, cette affirmation n’est pas étayée par les faits historiques. L’esclavage n’a pas façonné l’économie, la politique ou culturelle ni du Québec ni du Canada comme il a façonné celle des Américains.